Chapitre 36 - Iliéna la Terrienne découvre, Lhiréou, la Leaurélienne.

— Vite, Lhiréa, il faut que tu prennes le contrôle de LhiréouB pour récupérer les deux corps. Je ne peux garantir qu’Iliéna reste endormie très longtemps et Julien semble bien sonné. Lhiréa, restée dans la base Leaurélienne, sur la face cachée de la Lune, regagne prestement un fauteuil de relaxation, et, grâce à son interface bionique, se retrouve aux commandes de LhiréouB, le double androïde de Lhiréou, sur terre ou plutôt sous mer, dans le vaisseau de Lhiréou. Lhiréa avec LhiréouB, prend place à bord de la petite navette du vaisseau pour mettre en sécurité les deux corps et les redescendre sous l’océan sans les noyer. La sortie de Lhiréa du vaisseau ne prend que quelques minutes, elle place la petite navette au ras des flots, pour qu’elle reste presque invisible en bordure de la plage où se trouvent les corps affalés de Lhiréou et de Julien. LhiréouB saute dans les vagues, sous le clair de lune, et marche rapidement vers la plage. — Lhiréou, je vois le corps d’Iliéna et aussi celui de Julien à 20 mètres du tien, je vais vous transporter jusqu’à la navette. — Merci Lhiréa, je n’imaginais pas que tu puisses intervenir si rapidement. LhiréouB, l’androïde commandé par Lhiréa, soulève sans effort, dans ses deux bras puissants, le corps d’Iliéna et le transporte dans la navette. — Lhiréa, trouve un système pour protéger le corps de Julien. J’ai entendu un vilain bruit quand sa tête a heurté le sol, j’ai peur que quelque chose ne soit fracturé dans son corps. — Merci de me prévenir, je vais utiliser une mousse qui va se solidifier autour de lui et l’immobiliser. LhiréouB retourne auprès de Julien, l’enveloppe de la mousse protectrice et ramène son corps à la navette. L’endroit, à cette heure-ci, est complètement désert. Lhiréa espère que personne n’a assisté à l’étrange sauvetage de Lhiréou et de Julien. La navette s’enfonce dans l’océan en direction du vaisseau Leaurélien, enfoui sous le sable de la baie. Arrivée au vaisseau avec les corps de Julien et d’Iliéna, sous ses bras, LhiréouB, pilotée par Lhiréa, s’empresse de les installer dans la coque de survie. Elle a déjà permis le sauvetage d’Iliéna et connaît bien maintenant le métabolisme humain. Lhiréou, enfin libérée de l’esprit d’Iliéna s’éjecte de son fauteuil de relaxation, presque aussi sonnée qu’elle. — Les événements se précipitent Lhiréa, dit Lhiréou, en s’adressant au double d’elle-même, LhiréouB, pilotée par sa sœur. Heureusement, tu es intervenue rapidement ! Sinon, nous aurions laissé Iliéna entre les mains de ses semblables avec le risque que les hommes découvrent son implant bionique. — Pour l’instant l’espèce humaine doit continuer d’ignorer notre existence. C’est impératif pour la sécurité de notre planète Leaurélia ! — Maintenant, qu’allons nous faire de ces deux êtres, Lhiréa ? — Nous devons leur parler, leur faire comprendre qui nous sommes, leur présenter nos projets de sauvetage pour préserver leur espèce d’une fin quasi certaine, ou pour le moins de l’extinction de leur civilisation. — Pour l’instant, seule Iliéna peut me comprendre, mais si elle continue d’entendre une voix lui parler dans la tête, elle va devenir folle et je ne pourrai plus dialoguer avec elle, s’inquiète Lhiréou — Alors, il faudra nous montrer telles que nous sommes, en utilisant LhiréouB, suggère Lhiréa. — En espérant qu’elle ne sera pas effrayée en découvrant notre aspect physique. — Morphologiquement notre espèce n’est pas si éloignée de la leur. Nous avons un tête, deux bras deux mains deux jambes, une tête, deux yeux, une bouche. Énumère Lhiréa. — Je te rejoins, mais nous savons qu’ils peuvent développer des aversions pour des personnes de leur même espèce, uniquement pour une couleur de peau différente ! — Je sais, mais souvent ces aversions sont plus culturelles que réelles, précise Lhiréa. Les "hommes" de la terre ont, certes, peur de l’inconnu, mais ils ont aussi une curiosité naturelle qui les pousse à découvrir. Un peu comme nous, finalement. C’est peut-être la signature des êtres doués d’intelligence ! — Tu as raison, reste à espérer qu’Iliéna fera la relation entre la voix dans sa tête et la créature en face d’elle ! S’inquiète Lhiréou. — Si tu rends LhiréouB expressive avec des gestes humains et en lui activant les lèvres en mesure avec tes "paroles pensées", elle devrait comprendre que ce qu’elle entend dans sa tête vient de toi, et cela devrait normalement la rassurer quelque part.. Nous devons la surveiller, continue Lhiréa, car nous ne contrôlons plus ses rythmes biologiques et elle peut se réveiller d’un instant à l’autre lorsque les examens et les soins prodigués par la coque de survie seront terminés . Nous devrons impérativement la rassurer, la conforter. Regarde ! Lhiréou la coque de survie s’ouvre, Iliéna va reprendre conscience. — Comme c’est étrange ! S’exclame Lhiréou, je la connais parfaitement, pourtant c’est la première fois que je vais parler à un autre être extra-leaurélien, et je suis angoissée. Aide-moi Lhiréa, reste avec moi aux commandes de LhiréouB, c’est important ! Nous devons obtenir d’Iliéna qu’elle coopère, sinon il sera impossible de réaliser notre projet. Notre statut de Gardienne de la Vie nous oblige à respecter cette entité vivante, même si elle n’est pas née sur Leaurélia. — Prépare-toi, Lhiréou, elle se réveille, rassure-la en lui proposant un vêtement pour qu’elle s’habille. La coque de survie se vide de son liquide réparateur et bienfaiteur, elle se redresse lentement pour permettre au corps d’Iliéna de s’éjecter en douceur. Iliéna, encore mal assurée, pose un premier pas hésitant. Elle perçoit une douce lumière diffuse, son regard reste trouble. Il lui semble s‘éveiller d’un long sommeil très agité. Une main lui saisit doucement mais fermement le bras pour l’aider à se redresser — Bonjour, Iliéna, entend-elle, tout va bien, rassure-toi, je t’ai préparé une robe. Passe-la, tu te sentiras mieux. — "Qui me parle ? Se demande-t-elle." La voix lui parvient, ouatée, comme si ses oreilles étaient emplies d’eau. Merci répond-elle, le regard un peu flou ne distinguant pas encore clairement son interlocuteur. "Bizarre, pense-t-elle". Je ne connais pas cette robe. Elle l’enfile de façon automatique et constate qu’elle lui va parfaitement. Elle rejette sa longue chevelure en arrière, d’un geste instinctif. — J’ai soif, dit-elle en se tournant vers la voix. — Tiens, voilà un grand verre d’eau, il est vrai que la coque de survie assèche souvent la bouche, entend-elle. — Coque de survie ? S’interroge Iliéna En saisissant le verre, elle frôle des doigts souples et chauds, aperçoit leur couleur gris bleuté, avec un léger voile entre les phalanges. Elle remonte lentement son regard vers le bras nu, l’épaule et le cou, toujours de cette même couleur, le cœur s’accélère et puis soudain, ce visage ! Iliéna le découvre, dans un cri d’effroi ! Lui fait face une tête triangulaire avec deux grands yeux sans paupières, deux fentes à la place des narines et une bouche, petite, presque dénuée de lèvres. Au sommet du crâne, des petites tentacules d’un bleu électrique forment comme une couronne de Reine. Sans voix, cherchant de l’air, Iliéna est à tout à la fois terrorisée et subjuguée par la découverte de cet être longiligne . Il se dégage une aura lumineuse et bienveillante de ce visage. Cette scène, de la rencontre de deux intelligences, se découvrant en serrant ensemble le même verre d’eau, apparaît prophétique à Lhiréa & Lhiréou au travers des yeux de LhiréouB. — Qui êtes-vous, où suis-je ? S’écrie Iliéna, les yeux exorbités. Mon Dieu ! Je suis en plein cauchemar, ce n’est pas possible, je vais me réveiller, vite. Iliéna tremble de tous ses membres, le verre va glisser de sa main. — Je viens de te sauver la vie, reste calme Iliéna ! Entend Lhiréou qui ne peut localiser d’où vient cette voix. Elle semble l’entendre dans son crâne ! Viens, asseyons-nous et bois ce verre d’eau, nous avons beaucoup à parler toutes les deux. Iliéna vient de comprendre que la créature s’adresse à elle, mais la voix résonne dans sa tête. En joignant le geste à la parole, LhiréouB prend le bras d’Iliéna, avec délicatesse pour ne pas l’effaroucher, elles se dirigent vers les fauteuils qui viennent de surgir du sol pour les accueillir.